Le CFPE-Enfants Disparus, en charge du numéro d’urgence européen 116 000, a organisé le 21 février 2017 un colloque au Ministère des familles, de l’enfance et des droits des femmes, sur le thème des enlèvements parentaux.

 

 


Colloque du Centre Français de Protection de l’Enfance (CFPE) – Enfants disparus 116 000

Enlèvements parentaux : France, Europe, Monde

21 février 2017


 

Le CFPE-Enfants Disparus, en charge du numéro d’urgence européen 116 000, a organisé le 21 février 2017 un colloque au Ministère des familles, de l’enfance et des droits des femmes, sur le thème des enlèvements parentaux. L’association accompagne sur le plan juridique et psychologique les familles se trouvant dans une situation de rupture de liens parent-enfant. L’atteinte à l’autorité parentale constitue aujourd’hui le premier motif d’appel au 116 000.

Le colloque avait pour thème les points spécifiques de la lutte contre ces enlèvements et la rupture de ce lien, du point de vue de professionnels de la justice, de psychologues et de victimes.

Autour de trois tables rondes :

  • Les instruments juridiques existants et les outils de coopération internationale dans la lutte contre les enlèvements internationaux.
  • La voix de l’enfant dans les procédures de retour.
  • L’utilité de recourir aux médiations familiales dans des situations d’enlèvement parental à l’étranger.

 

1ère table ronde : L’enlèvement parental international à l’épreuve de la pratique

Hugues Fulchiron, professeur de droit de la famille à l’Université de Lyon 3, a présenté cette première table ronde orientée autour du droit et de ses pratiques dans les cas d’enlèvement parentaux. Il a rappelé que le règlement européen de Bruxelles II bis, fixant la législation en termes de responsabilité parentale au niveau européen, serait bientôt révisé. Le renforcement de la coopération internationale passe nécessairement par un rôle important des autorités centrales nationales, par la formation des juges et de favoriser leurs rencontres, par la mise à disposition de moyens suffisants pour effectuer les recherches, et par l’utilisation croissante de la médiation et des outils de prévention.

Christelle Hilpert, cheffe du « Bureau du droit de l’Union, du droit international privé et de l’entraide civile du ministère de la Justice » (Autorité centrale française), a présenté le rôle de son institution. L’autorité centrale agit dans le cadre des conventions bilatérales ou multilatérales. Malheureusement, tous les pays ne sont pas signataires des conventions, ce qui rend souvent la coopération internationale difficile. Les conventions de la Haye de 1980 puis de 1996 fixent les cadres de cette coopération. Le bureau est composé de 23 personnes (juristes, avocats, magistrats, éducateurs, interprètes…) et traite 300 dossiers d’enlèvement par an. 60% sont des enlèvements vers l’étranger et 40% sont des enlèvements de l’étranger vers la France. Un tiers concerne des enlèvements vers l’UE, un autre tiers vers les pays du Maghreb, le dernier tiers vers le reste du monde. Les délais de traitement sont variables : ils sont généralement très courts avec les pays européens et les Etats Unis, et très longs avec l’Amérique latine. 78 retours vers la France et 74 retour d’enfants de la France vers l’étranger ont ainsi eu lieu en 2015. Le Bureau permet l’articulation entre la recherche et le pénal à l’étranger. Dans le cadre de l’Algérie et de la Tunisie- qui ne sont pas parties à la Convention de La Haye- il existe d’autres outils qui, en pratique, fonctionnent très mal. Un guide des procédures à suivre en cas d’enlèvement d’enfant vers l’étranger est en cours de rédaction et devrait être publié fin 2017.

Me Alexandre Boiche, avocat spécialisé, précise que le rôle de l’avocat est très limité : il s’agit principalement d’assister son client, et d’expliquer le droit français à la justice étrangère en charge du dossier. L’article 5 de la Convention de la Haye garantit le droit de garde, l’autorité parentale, et les soins ; droits violés dans le cas d’enlèvement à l’étranger. Il précise qu’il n’est pas toujours souhaitable  de porter plainte, élément pouvant bloquer l’entente amiable des parents et aller ainsi à l’encontre de l’intérêt de l’enfant.

 

2ème table ronde : La voix de l’enfant dans les procédures de retour

Une journaliste a ensuite livré un témoignage personnel très touchant de l’enlèvement dont elle a été la victime dans son enfance. Lors de vacances avec son père, celui-ci lui annonça qu’ils partaient aux Etats-Unis, à Los Angeles. Durant un an elle a été déscolarisée, « en vacances », allant toutes les semaines à Disneyland. Son père lui expliquait que sa mère ne souhaitait plus s’occuper d’elle et qu’il risquait d’aller en prison à cause de la plainte déposée. Après une année de disparition, leur trace fut retrouvée par les services français et le père  convaincu de la laisser revenir en France. A son retour, elle a refusé d’adresser la parole à sa mère pendant un mois. La plainte a finalement été abandonnée par la mère suite au retour de sa fille. Dans toutes les situations d’enlèvements familiaux, l’enfant est victime, avant tout, de la situation familiale. Suivie brièvement par une psychologue à son retour, cette journaliste explique que ce soutien a été inopérant  en raison d’un décalage avec ses ressentis : elle n’avait pas souffert durant cette année.

Si on lui avait alors posé la question, elle n’aurait pas forcément voulu rester avec son père, elle aurait préféré avoir les deux. En revanche, elle en voulait à sa mère d’avoir porté plainte contre le père et la vie d’enfant avec déscolarisation pendant un an à Los Angeles, aurait pu la pousser à souhaiter rester avec son père.

Me Delphine Eskenazi, avocate aux Barreau de Paris et de New York, experte en droit de la famille, a expliqué la façon dont était prise en compte la voix de l’enfant par la justice dans les cas d’enlèvement, sur le territoire national ou à l’international : l’audition est de droit, lorsque l’enfant en fait la demande, à condition que le mineur soit capable de discernement. Cependant, l’absence de discernement ne peut résulter uniquement de l’âge  de l’enfant. Cette audition n’est pas obligatoire lorsqu’elle est à la demande de l’un des parents et dépend de l’appréciation du juge. Dans les faits, les enfants de moins de 10 ans ne sont pratiquement jamais entendus ; la moitié le sont entre 10 et 12 ans ; la proportion  passe en revanche, à 90% après cet âge. Le problème du juge est le suivant : doit-il imposer à l’enfant une situation sur laquelle ce dernier  a exprimé son désaccord, si lui-même estime qu’elle est dans son intérêt ?

Gwenaelle Buser et Maximilien Dacheville, psychologues cliniciens au CFPE et au 116 000, ont détaillé les ateliers thérapeutiques mis en place avec des enfants à leurs retours d’enlèvements.

 

 

3ème table ronde : La médiation familiale comme solution pour une meilleure prise en compte des besoins de l’enfant ?

 

Anne Marion De Cayeux, avocate au Barreau de Paris et également médiatrice, a présenté les façons dont la médiation peut aboutir à des résultats satisfaisants pour tous, dans le cas d’enlèvements parentaux. Avis rejoints par Malika Mimouni, intervenante sociale à l’Autorité centrale, et Nelly Chretiennot, magistrat et adjointe à la cheffe de l’Autorité centrale.

Enfin, Stephan Auerbach, responsable de secteur et médiateur à l’International Social Service (ISS), a présenté cette ONG suisse qui a notamment pour but d’améliorer les coopérations internationales et la médiation.

 

 

Pays signataires à la Convention de la Haye (1980)