parole de l'enfantPour accueillir la parole de l’enfant, lui donner toute sa résonance et sa profondeur, il faut rappeler avant tout le poids historique du silence. La parole des enfants est une parole qui, historiquement, vient de naître.

 Les débats contemporains, voire techniques, sont aussi des débats qui gèrent un long passé et même un long passif de silence. Certaines théorisations modernes ne sont que la confection des habits neufs de l’ancien silence et de l’ancien déni, ce silence historique toujours prêt à nous ré-engloutir.

Le poids des mots

Il faut souligner le poids des mots et des coutumes, en particulier la fameuse expression : « la loi du silence ». Ce que nous appelons « loi du silence », c’est justement ce qui est aux antipodes de la loi. C’est une antiphrase, une manière de dire les choses par leur contraire, à moins que ce soit une dérision : la toute-puissance de la violence à enfants qui se drape derrière le beau nom de loi.

Il faut s’affranchir d’un certain vocabulaire : comment entendre aujourd’hui certaines paroles si nous continuons d’utiliser des mots qui nous avaient interdit d’entendre ou, plus exactement, nous avaient autorisés à ne pas entendre ?

L’impensable

Le terme impensable est profondément juste : ce qui ne peut pas se penser a évidemment beaucoup de mal à se dire. Il y a de l’indicible parce qu’il y a de l’impensable. Certains enfants ne peuvent pas parler parce qu’ils ne peuvent toujours pas penser ce qu’ils ont vécu – il vaudrait mieux dire ce qu’ils ont subi – puisque précisément ils ne l’ont pas vécu, ils l’ont plutôt « mouru » que « vécu ».

Nous sortons de ce long silence historique, de ce déni, et nous sommes dans le même temps confrontés, trop souvent, à ces situations de déni, ces réactualisations incessantes du vieux silence historique. Car, décider de ne pas entendre est plus qu’une douloureuse déclaration de surdité pour l’enfant victime.

Extraits d’une conférence donnée par Bernard Lempert lorsqu’il faisait partie de l’équipe de soutien psychologique d’enfance majuscule. Entendre la parole de l’enfant était, pour lui, l’une des batailles essentielles à mener pour être véritablement un acteur de la protection de l’enfance.