Garde alternée : entre la théorie et la pratique

Le débat sur la résidence alternée mènera sans doute à un remaniement de la loi et la prise en compte de la réalité du vécu des enfants est sans doute négligée face aux luttes de pouvoir qui sont en jeu.

Les journalistes parlent souvent de « garde alternée ». Or le droit de garde a disparu depuis longtemps du code civil, sans doute en raison de sa connotation négative : on garde un objet, un animal, un prisonnier, pas un enfant… Les Québécois parlent de «garde partagée», les américains de «garde conjointe», la Fédération des Mouvements de Condition Paternelle (FMCP) préfère la «résidence paritaire». La loi française utilise deux termes : «l’autorité parentale conjointe» qui désigne le principe, et la «résidence alternée», qui désigne une modalité d’organisation pratique.

Une proposition de loi déposée par le député Modem Philippe Lacombe a été examinée par l’Assemblée Nationale le 30 novembre 2017 et renvoyée à une date ultérieure : elle propose que la double résidence des enfants chez chacun de ses parents soit la première solution envisagée en cas de séparation.

La garde alternée : un beau principe

L’exercice conjoint de l’autorité parentale par les deux parents légaux de l’enfant est un principe idéal : le père et la mère peuvent avoir ainsi une même présence et une même importance, et l’enfant pourra se construire et construire son identité en référence à ses deux lignages.
Si les parents sont séparés, l’organisation de la résidence alternée lui permettra de vivre pour des périodes variables, généralement assez brèves (semaine partagée, une semaine sur deux, la moitié du mois) chez l’un puis chez l’autre.

Si les parents ont trouvé un accord, ils prépareront une «convention» par laquelle ils organiseront les modalités d’exercice de l’autorité parentale ainsi que la contribution de chacun à l’entretien des enfants. Ils saisiront ensuite le juge aux affaires familiales qui homologuera cette convention sauf s’il estime que l’intérêt de l’enfant n’est pas suffisamment pris en compte ou que le consentement de l’un des parents n’a pas été donné valablement (chantage ou violences).

La résidence alternée a donné l’illusion qu’enfin l’égalité homme femme existait devant la parentalité et que les pères avaient enfin un rôle reconnu dans l’éducation de leurs enfants. En fait on se trouve typiquement devant ce droit à l’enfant que revendiquent bon nombre de parents oubliant que le droit de l’enfant est de grandir dans un environnement sécurisé.

A noter que les parents ne doivent pas obligatoirement bénéficier du même temps de résidence de l’enfant : ce temps ne doit pas être égal mais équitable. Malheureusement, comme tout excellent principe, ça ne marche pas toujours.

Quelle réalité pour la garde alternée ?

Généralement, le système de résidence alternée le plus souvent retenu est d’une semaine sur deux. L’enfant arrive à l’école le lundi matin, venant de chez son père, et repart le soir chez sa mère. La semaine suivante, il arrive du domicile de sa mère pour repartir au foyer de papa.
Certains ont aussi imaginé le partage de la semaine (du lundi au mercredi midi chez maman, de mercredi midi à vendredi soir chez papa, et un week-end sur deux.

Une telle organisation n’est possible que si une réelle proximité géographique existe, impliquant à minima une même école, un même ensemble d’activités socio-éducatives, un même médecin.
Dans le cas contraire, certains parents ont imaginé des gardes alternées à l’année, l’enfant changeant d’école chaque année et passant les vacances avec l’autre parent.

Pour certains enfants particulièrement fragiles la résidence alternée est un véritable creuset à l’angoisse, l’impression d’être coupés en deux demeure longtemps vivace même bien après qu’ait pris fin cette période.

Pour les enfants tout petits, il est certain qu’une période longue séparé de leur mère est dommageable dans leur construction, car elle provoque chez eux une insécurité au moment où ils ont le plus besoin de ce référent permanent qu’est leur mère (ou la personne qui prend soin d’eux d’une manière permanente).

Pour le Professeur Bernard Golse, pédopsychiatre à l’hôpital Necker, la résidence alternée devrait être proscrite chez les enfants de 0 à 3, et même 4 ans. Le Dr Maurice Berger va plus loin : « En deçà de 6 ans, c’est un dispositif à hauts risques affectifs pour l’enfant. Au-delà, on peut l’envisager… à certaines conditions ».