Les députés ont définitivement adopté, mardi 1er mars, la proposition de loi relative à la protection de l’enfant. Le texte avait été déposé en septembre 2014 par les sénatrices Michelle Meunier (PS) et Muguette Dini (UDI, qui a quitté le Sénat en 2015).

Ce texte vient compléter la loi du 5 mars 2007, qui fondait la mission de la protection de l’enfance sur l’aide à apporter aux parents. La loi de 2016 recentre cette mission autour de l’enfant et de ses droits.

Deux grands axes se dégagèrent après 14 mois de débats très serrés entre Sénat et Assemblée Nationale :

1 – Des dispositions visant à donner des orientations générales à la protection de l’enfance, alors qu’elle était jusqu’ici de la compétence exclusive des départements.

Le texte marque un retour en force de l’Etat dans la protection de l’enfance, pourtant intégralement transférée aux départements lors de la décentralisation de 1982-1983. A l’occasion de l’ultime débat sur le texte, le 1ermars, Laurence Rossignol – Ministre de la Famille, de l’Enfance et des Droits des femmes – n’a pas manqué de rappeler à nouveau la nécessité d’affirmer le rôle de l’Etat en la matière.
La raison invoquée pour justifier ce retour réside officiellement dans les écarts constatés entre départements dans la mise en œuvre des actions de protection de l’enfance, mais aussi – de façon moins affichée – dans quelques affaires récentes de maltraitance dans lesquelles les services de l’aide sociale à l’enfance (ASE) se sont montrés défaillants.
Création d’un Conseil national de la protection de l’enfance, notamment chargé de promouvoir « la convergence des politiques menées au niveau local, dans le respect de la libre administration des collectivités territoriales ». Les sénateurs s’y étaient toujours opposés, estimant que la protection de l’enfance devait rester de la compétence exclusive des départements qui méritent qu’on leur fasse confiance.
– L’Observatoire de l’enfance en danger qui devient l’Observatoire national de la protection de l’enfance. Ses prérogatives sont donc élargies.
Désignation dans chaque département d’un médecin référent pour la protection de l’enfance, chargé « d’organiser les modalités de travail régulier et les coordinations nécessaires entre les services départementaux et la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes, d’une part, et les médecins libéraux et hospitaliers ainsi que les médecins de santé scolaire du département, d’autre part ». Une question se pose : comment recruter un nouveau médecin alors que les déserts médicaux sont de plus en plus répandus et que les médecins de PMI sont surchargés ?

2- Des dispositions concernant les enfants pris en charge par l’Aide Sociale à l’enfance.

Il est à noter que les services de l’Aide sociale à l’enfance des départements prennent en charge actuellement 284.000 mineurs et 21.500 jeunes majeurs en France.

– Un document intitulé « Projet pour l’enfant » et constituant une base d’accord entre les parents et les services départementaux avait été prévu par la loi de 2007 afin de permettre à l’enfant de vivre le moins de ruptures possibles tout au long de son placement. Un référentiel sera rédigé pour aider les travailleurs sociaux à le réaliser, alors qu’aujourd’hui seuls 20% des enfants placés à l’ASE auraient ce document dans leur dossier.
– Développement de la possibilité d’accueil d’un enfant, pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, par un tiers à titre bénévole.
– Développement des possibilités d’accueil en centre parental de très jeunes enfants (à naître ou de moins de trois ans) avec leurs deux parents afin de favoriser les premiers liens d’attachement enfant-parent.
– Introduction dans le code de la santé publique de l’entretien proposé au début de la grossesse en lieu et place de l’entretien psycho-social prévu jusqu’alors au cours du quatrième mois de grossesse.
L’ARS (allocation de rentrée scolaire) ne sera pas versée aux départements, comme le souhaitait le Sénat, mais sera bloquée à la caisse des dépôts et consignations afin que l’enfant bénéficie d’un petit pécule lors de sa sortie du dispositif .
– L’adoption simple ne sera plus révocable durant la minorité de l’enfant, sauf à la demande du procureur de la république.
– Le texte prévoit également un accompagnement médical, psychologique, éducatif et social du parent et de l’enfant lorsqu’un enfant né sous le secret, ou pupille de l’État, est restitué à l’un de ses parents.
– La procédure de la déclaration judiciaire d’abandon est modifiée pour ne pas stigmatiser l’enfant. Les termes « déclaration judiciaire d’abandon » sont remplacés par ceux de « déclaration judiciaire de délaissement parental ».
– La loi encadre le recours aux tests osseux pour vérifier l’âge des jeunes qui demandent le statut de mineurs isolés étrangers sans pouvoir justifier précisément de leur date de naissance. Ce recours sera soumis à l’accord du jeune, et à l’autorisation du pouvoir judiciaire.
– Enfin, la notion d’inceste est rétablie dans le code pénal.

Il faudra maintenant surveiller la mise en application de cette loi, et la parution des décrets d’application.

Retrouver le communiqué de presse en cliquant ici. Retrouver le texte de loi en cliquant ici.