Aylan avait tout juste trois ans. Une petite vie déjà marquée par la violence de la guerre, les destructions, les exactions et la mort. Une petite vie portée par les espoirs de ses parents d’une vie meilleure, d’une vie possible, d’une vie d’enfant. À l’heure où les puissants après tant d’indifférences, se répartissent avec défiance les réfugiés comme autant de fardeaux imposés, combien d’Aylan devront encore mourir pour que notre société retrouve un peu d’humanité ? Combien de petits corps d’enfants morts devront être encore exposés sans pudeur pour que tous ceux qui vivent protégés des conflits n’oublient pas leur passé ? Notre histoire est marquée de ces conflits où sont morts tant d’adultes et d’enfants qui ne demandaient qu’à vivre. Et pourtant, du dormeur du Val décrit par Rimbaud au petit dormeur échoué de Bodrum l’histoire se répète…

 

Le petit dormeur échoué

C’est un coin de Méditerranée où brille le soleil

De Kobané à Bodrum, une mer pour évasion.

Sur ce rivage échoué comme une bouteille

Fuir les conflits avec la paix et la liberté pour seul horizon.

 

Un jeune enfant, bouche ouverte, tête nue,

Et la nuque baignant dans l’eau claire et bleue

Dort ; il est allongé sur le sable, le long du corps ses bras tendus

Blême sur ce rivage visé des touristes où le soleil se lève comme un adieu.

 

Les pieds sur la plage, la tête face à l’horizon, il dort. Calme comme

Serait calme un enfant assoupi dans ses rêves ; il fait un somme.

Écume, recouvre-le chaudement : il a froid.

Berce-le encore, berce-le une dernière fois.

 

Les vagues, ne font pas réagir son visage poupin.

Il dort sur cette plage où les corps se ramassent sans fin

Paisible. Dans ses poumons l’engorgement ; trop faible, son petit cœur s’est arrêté de vivre.

 

Hélène Romano

Dr en psychopathologie-HDR