Depuis plus de trente ans, dans 45 services pédiatriques, les clowns du Rire Médecin interviennent auprès d’enfants souvent gravement malades.
Notre jeu s’adresse toujours à l’enfant, c’est pour lui que nous improvisons et il doit pouvoir se retrouver dans nos scénarios, et dans toute son intégrité d’être humain, quelle que soit l’épreuve qu’il traverse.
Il est arrivé que des psychologues nous demandent de jouer un scénario précis pour des enfants traversant des situations particulières, nous avons essayé de bonne grâce et sommes devenus extrêmement mauvais car le scénario demandé n’avait rien à voir avec ce qui avait lieu dans l’« ici et maintenant » de la rencontre entre l’enfant et les clowns.
Entre consignes et improvisation
S’il nous semble que des choses importantes pour l’enfant se jouent au cours de l’improvisation, nous allons alors en référer à l’équipe soignante qui le consigne dans le dossier de l’enfant, et qui en tiendra ou non compte dans son suivi. Nous recevons des formations mensuelles, alternativement artistiques (clown, magie, chant…) ou théoriques (médicales, sociales…) pour aiguiser en permanence, et notre capacité d’adaptation et notre ambition artistique.
Des tuteurs de résilience
L’une de ces formations nous a été donnée par Stanislas Tomkiewicz, peu de temps avant sa mort. Il nous a appelé des « tuteurs de résilience ». Pour bien planter un tuteur, il faut savoir où se trouve l’enfant , dans quel « pot », si la terre est dure ou meuble, se mettre pas trop loin et pas trop près. Et puis le tuteur doit être assez grand et assez solide pour supporter qu’on s’accroche à lui sans fléchir : il faut réussir le défi artistique d’être le meilleur duo de clown possible dans ce pot là, à ce moment là, pour que la situation de l’enfant qui s’y accroche ne nous fasse pas fléchir vers une compassion déplacée.
Mais il n’appartient pas au tuteur de savoir si la plante va ou non s’accrocher à lui pour tisser son mieux être, sa résilience. C’est l’histoire de chaque enfant avec sa maladie, sa vie, et parfois sa mort.
Face à cela, nous ne pouvons que nous efforcer d’être les plus pertinents et les meilleurs clowns possible.
Emmanuelle Bon
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