Consentement et sidération mentale

Dans l’affaire “Sarah”, la relation sexuelle d’un adulte avec une jeune fille de 11 ans avait été considérée comme une relation consentie, sans “refus explicite” de sa part, par le parquet de Pontoise qui requalifiait la plainte de la famille pour viol en atteinte sexuelle. Une enfant de 11 ans est-elle en mesure de comprendre ce qui lui arrive ? Peut-elle facilement s’opposer à un adulte ? Et, enfin, est-elle en mesure de réagir en état de sidération mentale ?

La jeune fille a croisé l’homme de 28 ans le 24 avril 2017 à Montmagny dans le Val-d’Oise. Elle a suivi l’homme chez lui, qui lui a alors imposé une fellation et des relations sexuelles.

La plainte pour viol sur une jeune fille sidérée a été requalifiée par les enquêteurs en atteinte sexuelle, au mépris de la réalité des plus élémentaires mécanismes psychiques : la difficulté pour un enfant de consentir à ce qu’il ne comprend pas, à s’opposer à un adulte et enfin l’impossibilité matérielle d’exprimer un refus en état de sidération.

La sidération mentale est un blocage psychique qui protège de la souffrance, il survient à la suite d’un état de stress intense. Dans cet état de stupeur émotive, l’individu peut se retrouver inerte, figé, incapable de réagir de répondre, de dire non, de se défendre.

Cette sidération peut durer jusqu’à plusieurs heures et changer de forme au fil de ce délai. Elle peut aller d’une impression d‘absence de ressenti, d’une paralysie, à des manifestations anxieuses. La forme anxieuse peut conduire à des pleurs, des tremblements des vomissements.

L’intensité du choc fait d’une certaine manière disjoncter les circuits neuronaux empêchant l’individu de réagir de manière normale ou appropriée. Il est alors impossible de conclure qu’une absence de réaction signifie un assentiment.

Nous avons tous expérimenté un jour ou l’autre, à un niveau bien plus faible, cette sensation d’être coupé de nos aptitudes à réagir. Quel est celui d’entre nous qui n’a pas eu face à une émotion un peu forte le sentiment d’être submergé par l’émotion et incapable de réfléchir correctement ? Cet état psychique s’explique sur le plan neurobiologique par le fait que lorsque le cerveau émotionnel est sollicité un clapet vient fermer l’accès au circuit du cortex préfrontal, siège de la rationalité.

Lors d’un choc d’une extrême violence, il ne s’agit pas simplement d’un clapet qui se ferme quelques instants, mais d’une mise hors circuit. Lorsque les plombs sautent, il est impossible, de réagir, de répondre, de bouger, de dire non. Il est important que ces mécanismes psychiques soient plus amplement connus afin d’éviter ce genre de requalification.


Cette vidéo expliquant la notion de non-consentement à des adolescents est projetée dans certains lycées. Il serait souhaitable qu’elle soit le point de départ d’échanges entre garçons et filles dans tous les établissements scolaires.

Adaptation en français de Tea consent, par Télé Millevaches