La fessée pose-t-elle une limite ?

Nous avons vu qu’aucun travail scientifique sérieux n’est jamais venu prouver que les punitions corporelles soient efficaces ou anodines, bien au contraire. Malgré cela, les inconditionnels de ces châtiments présentent en général deux arguments pour défendre leurs positions : la nécessité de mettre des « limites » aux enfants, et le besoin que ceux-ci auraient de sentir le poids d’une « autorité ». Qu’en est-Il ?

La nécessité de mettre des « limites » ? Il est bien évident pour chacun que la vie en société, familiale ou plus élargie, est faite de toutes sortes de contraintes qui sont des limites que nous devons mettre à nos désirs et à ceux de nos enfants. Chaque famille va donc être confrontée à l’obligation d’imposer des limites à ses enfants. Or dans la société adulte, les coups sont interdits, y compris pour faire respecter les limites que nous pensons devoir imposer à ceux qui nous entourent. Pourquoi donc apprendre à un enfant un mode de fonctionnement et de résolution de conflit qui lui sera très vite interdit et que la société réprime et sanctionne ?

Le parent qui bat n’est-il pas justement celui qui ne sait pas s’imposer de limites, celui qui a dépassé ses propres limites à l’opposition de l’enfant ? On ne peut pas inculquer des limites en enfreignant celles que la société a fixées.

Cependant, les parents entendent ici ou là qu’il faut « mettre des limites » aux enfants le plus tôt possible : les laisser pleurer pour qu’ils comprennent qu’on n’est pas à leur service, les faire boire toutes les trois heures pour les régler… : l’éducation organisée par des règles rigides est sous-tendue par la peur que l’enfant prenne le pouvoir. Quand le parent dit « il a besoin de limites » cela signifie « il faut qu’il m’obéisse » : il ne s’agit pas du désir d’en faire un être autonome, attentif, empathique et ouvert, mais au contraire de l’asservir.

Les limites que donnent les parents sont souvent leurs propres limites de tolérance aux cris des enfants, à leur refus de manger, à leur peur de s’endormir… Ces limites sont inscrites dans l’histoire personnelle des parents. Quand le parent frappe l’enfant, c’est parce qu’il est arrivé à un seuil de souffrance personnelle, souvent inconsciente, qui se traduit le plus fréquemment par de la colère et de la violence. Les enfants n’ont pas besoin de telles limites, mais ils ont besoin d’un accompagnement sécurisant face aux frustrations inévitables.

Toutes sortes de négociations non violentes peuvent être engagées avec l’enfant pour l’amener à respecter nos limites et celles que lui poseront forcément ses congénères tout au long de sa vie. Autant l’entraîner vite aux méthodes socialement acceptables et respectueuses de lui-même et des autres.