Le 20 novembre 1989, après des années de débats, la Convention relative aux droits de l’enfant était adoptée à l’unanimité par les Nations Unies. Pour la première fois dans l’histoire, un texte international reconnaissait explicitement les moins de 18 ans comme des êtres à part entière, porteurs de droits sociaux, économiques, civils, culturels et politiques – des droits fondamentaux, obligatoires et non négociables.
L’enfant est défini comme « […] tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable ». A ce jour, 197 Etats ont ratifié la CIDE. Seuls les États-Unis manquent encore à l’appel, la Somalie l’ayant ratifiée en janvier 2015.
Un texte juridiquement contraignant
Ce n’est pas simplement un texte à portée symbolique : la CIDE est juridiquement contraignante pour les Etats signataires, qui s’engagent à défendre et à garantir les droits de tous les enfants sans distinction et sans conditions, et à répondre de ces engagements devant les Nations unies. Le Comité des droits de l’enfant, placé auprès du Haut Commissariat aux Droits de l’Homme, composé de 18 experts indépendants, contrôle la mise en œuvre de la Convention, en examinant les rapports que les Etats doivent publier régulièrement. La CIDE est entrée en vigueur en France le 2 septembre 1990, il y a tout juste 25 ans.
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La CIDE consacre :
- des garanties fondamentales : droit à la vie, à une identité, principe de non discrimination, droit à la dignité à travers la protection de l’intégrité physique et mentale (protection contre l’esclavage, la torture et les mauvais traitement, etc. )
- des droits individuels, économiques, sociaux et culturels: droit de vivre avec ses parents ou de bénéficier d’une protection de remplacement, droit à l’éducation, à un niveau de vie décent, droit de jouir au meilleur état de santé possible, d’être protégé de toute forme de maltraitance ; droit au respect de ses opinions et de ses croyances ; droit aux loisirs.
- des droits collectifs : droit des enfants réfugiés, des enfants handicapés, des enfants issus de minorités ou de groupes autochtones.
Trois protocoles facultatifs
Aux 54 articles de la Convention, il faut ajouter 3 protocoles facultatifs, adoptés depuis 1989 :
– Le premier vise à protéger les enfants contre tout recrutement dans les conflits armés.
– Le deuxième concerne la vente des enfants (travail forcé, adoption illégale, don d’organes…), la prostitution et la pornographie les mettant en scène.
– Le troisième protocole définit une procédure internationale permettant à tout enfant de déposer une plainte pour violation de ses droits, directement auprès du Comité des droits de l’enfant lorsque tous les recours ont été épuisés au niveau national.
La France, vient de ratifier ce 3ème protocole par la loi n° 2015-1463 du 12 novembre 2015 parue au Journal Officiel du 13 novembre 2015.
Les droits de l’enfant dans le monde
L’humanité doit donner à l’enfant ce qu’elle a de meilleur
Déclaration de Genève
Il y a dans le monde 2,2 milliards d’enfants et d’adolescents. Les chiffres sont difficiles à préciser, car, dans de nombreux pays, les naissances ne sont pas déclarées et nombre d’enfants restent sans identité, et donc sans droits. Si le nombre d’enfants de moins de 5 ans qui meurent chaque année a été presque divisé par deux en 25 ans, ils étaient 6,6 millions à périr encore en 2012 de causes évitables (18 000 enfants de moins de 5 ans chaque jour). La plupart vivaient dans des villes ou des campagnes ne disposant pas de services de santé et d’équipements de salubrité.
Dans certaines régions du monde, plus des ¾ des petites filles subissent encore des mutilations sexuelles.
La scolarisation des jeunes enfants a progressé de plus de 30% dans le monde, mais 58 millions d’enfants en âge de fréquenter l’école primaire n’y vont pas. Le nombre d’enfants et d’adolescents de moins de 17 ans qui travaillent a diminué de près d’un tiers, mais 15% d’entre eux travaillent. 11% des petites filles sont mariées avant l’âge de 15 ans. Il faut ajouter les enfants soldats, prisonniers, apatrides, les enfants éduqués dans la violence et les sévices, les enfants victimes de la prostitution…
La CIDE a encore bien des promesses à tenir…
Et en France ?
Entrée en vigueur le 2 septembre 1990, la CIDE dispose d’une autorité supérieure aux lois nationales conformément à l’article 55 de la Constitution.
En droit
Dès 1993, le Conseil d’Etat a reconnu l’applicabilité directe de certains articles comme l’article 3 relatif à l’intérêt supérieur de l’enfant, l’article 16 sur la protection de la vie privée et l’article 37 sur la protection contre la torture et les traitements cruels, inhumains et dégradants. A partir de 2005, la Cour de cassation a également admis que plusieurs dispositions de la Convention étaient directement applicables devant les juridictions françaises et que les particuliers pouvaient l’invoquer. Ainsi en est-t-il de l’article 3 concernant l’intérêt supérieur de l’enfant et l’article 12 sur le droit de l’enfant à s’exprimer sur toute question qui le concerne. Désormais, les plus hautes juridictions françaises ont une position commune sur l’applicabilité de la notion centrale de la CIDE, l’intérêt supérieur de l’enfant dans toutes les décisions le concernant.
En mai 2013, le Conseil constitutionnel a rendu constitutionnelle la notion d’intérêt de l’enfant en s’appuyant sur les exigences du «dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946» qui prévoit que «la Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement».
Bien des progrès encore à faire
La France compte 14 millions d’enfants et d’adolescents. Près de 3 millions d’entre eux – soit 1 enfant sur 5 -, vivent sous le seuil de pauvreté. Plus de 30.000 sont sans domicile, 9000 vivent dans des bidonvilles et 140.000 élèves décrochent du système scolaire chaque année. La pauvreté continue à progresser, en lien avec les effets de la récession.
En raison du manque de places disponibles en établissements médico-sociaux, des milliers d’enfants et d’adolescents en situation de handicap, et/ou trop handicapés pour être scolarisés en milieu ordinaire se trouvent sans solution ; ils se voient privés de leur droit fondamental à l’éducation, et d’une vie sociale indispensable à leur meilleur épanouissement. Et ceux qui peuvent être scolarisés le sont souvent à temps très partiel, en raison du manque criant d’accompagnement spécialisé.
Et les enfants de familles à la rue, les enfants roms, les enfants du voyage voient leur scolarité cahoter au rythme des expulsions. Trop d’enfants sont encore maltraités, humiliés, abusés, alors que les lois et toutes les possibilités pour les protéger existent. Les noms de Marina, Bastien, Inaya et tant d’autres ne devraient depuis longtemps plus faire la une des médias. Écouter et surtout entendre la parole des enfants dans toutes les affaires le concernant : il y a encore bien du chemin à parcourir. C’est l’intérêt supérieur de l’enfant qui doit guider la justice des mineurs.
Les Mineurs Isolés Etrangers (MIE) seraient entre 4 et 9000 en métropole, 3 à 6000 à Mayotte. La plupart errent dans les rues, sans parvenir être pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance et donc sans aucune protection. Or un mineur isolé étranger est avant tout un enfant vulnérable et l’Etat Français est lié par les obligations découlant de la CIDE à l’égard des MIE comme il l’est à l’égard de tout enfant présent sur son territoire. Un mineur seul et étranger, arrivant en France sans représentant légal et sans proche pour l’accueillir, doit être considéré comme un enfant en danger et relever, à ce titre, du dispositif de protection de l’enfance. Il doit bénéficier d’une présomption de minorité, sans être systématiquement suspecté de fraude. Les tests d’âge osseux, compte-tenu de leurs importantes marges d’erreur, ne peuvent à eux seuls servir de fondement à la détermination de l’âge du MIE.
Le rapport du défenseur des droits
Il déplore une méconnaissance globale de la Convention et l’absence de volonté de l’Etat de placer de manière effective les droits et l’intérêt supérieur de l’enfant au cœur des politiques publiques afin de garantir à tous les enfants la mise en œuvre de la Convention, en métropole comme en outre-mer.
Ses conclusions sont en demi-teinte. S’il constate certains progrès (handicap, protection de l’enfance, refondation de l’école), il note des difficultés importantes d’accès aux droits pour les plus vulnérables : enfants pauvres, enfants handicapés, enfants migrants seuls ou en famille…. Par ailleurs, il pointe les inégalités territoriales qui subsistent, en particulier en matière de protection de l’enfance et d’accès aux soins et à l’éducation.
128 propositions
Il formule 128 recommandations et appelle l’Etat à accélérer le calendrier parlementaire concernant les projets en cours sur la protection de l’enfance et la justice des mineurs. L’accent doit être mis sur le droit à l’éducation, afin de permettre à tous les enfants de développer leurs capacités de réflexion et leur sens critique.
En juin 2015, la Défenseure des enfants a présenté ce rapport au Comité des droits de l’enfant lors de la réunion de pré-session de l’ONU. Il rendra son avis en janvier 2016.