Pourquoi est-il indispensable d’interdire la fessée ?

Le 29 novembre, l’Assemblée nationale a voté favorablement la proposition de loi sur l’interdiction des violences éducatives. Fin 2016, le Conseil constitutionnel avait rejeté pour des questions de forme un premier projet adopté par le Parlement. Bien loin du simple symbole présenté par la presse, l’interdiction des violences éducatives est une réelle nécessité pour notre société.

Ce n’est pas seulement symbolique comme on l’entend fréquemment

Lever la main sur un enfant n’est jamais anodin. Il n’existe pas de séparation entre cet acte qu’on considère fréquemment comme éducatif et un acte violent. Toute fessée, toute claque, même légère est de la violence. Elle est perçue comme telle par les enfants.

Il ne s’agit pas que de fessées

Mais d’un « droit au respect de sa dignité et de son intégrité physique et psychologique » comme le rappelle l’exposé des motifs du projet de loi. Les violences verbales et les humiliations sont également visées par la loi. Les violences éducatives vont bien au-delà de la portée prétendument éducative de claques et ont toujours des incidences, parfois très graves.

Article 1er

article 371-1 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les enfants ont droit à une éducation sans violence. Les titulaires de l’autorité parentale ne peuvent user de moyens d’humiliation tels que la violence physique et verbale, les punitions ou châtiments corporels, les souffrances morales. »

C’est le meilleur moyen de combattre l’infanticide

L’exemple le plus marquant nous vient de la Suède qui a réussi, quarante ans après l’adoption d’une législation similaire, à faire évoluer sa culture éducative. Et les effets de cette loi vont au delà du changement des pratiques dans l’éducation : les décès d’enfants dues aux maltraitances physiques ont chuté. En Suède, 7 enfants par an meurent sous les coups ; 400 à 800 en France. De tels résultats se retrouvent dans les 53 pays ayant adopté des lois similaires. Protéger l’enfance en danger passe par l’interdiction de toute forme de violence à leur égard, même les plus minimes.

Pourtant les réticences étaient les mêmes chez les Suédois, il y a 40 ans, qu’en France aujourd’hui. Pourtant l’utilisation de la violence pour éduquer y est désormais impensable. La loi est le meilleur moyen de faire évoluer rapidement les mentalités et obtenir des résultats dans ce sens.

Parce qu’un enfant n’est pas l’objet de ses parents

Il possède des droits et la loi le protège. Les parents n’ont plus un droit absolu de correction sur leurs enfants et sont soumis à des règles. Les trois-quarts des condamnations pour maltraitance ont lieu dans un contexte « éducatif » de punition corporelles. Le lien entre les violences éducatives et les maltraitances est évident et l’escalade inévitable des premières conduisent aux secondes. La justice ne doit plus être confrontée à la difficulté de distinguer les violences « légères » des violences « graves ».

La loi doit protéger mieux les enfants que les adultes

Les violences physiques commises sur des adultes sont illégales et leurs auteurs encourent des poursuites. Pourtant, cette interdiction légale dispose toujours d’une exception jurisprudentielle lorsqu’il s’agit de violences « éducative » perpétrées contre les enfants, allant à l’encontre même de l’article 222-13 du Code pénal qui reconnaît la violence commise contre les mineurs de 15 ans par un ascendant comme une forme aggravée de violence.

Les violences éducatives vont à l’encontre de la Convention internationale des Droits de l’enfant (article 19)

Article 19 – Les États parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu’il est sous la garde de ses parents ou de l’un d’eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié.

C’est une éducation à la violence

La construction d’un monde débarrassé de la violence par l’abolition de l’éducation par et à la violence. Comment faire comprendre à un enfant qu’un différend peut se régler sans violence si au sein même de la famille, les conflits sont régis par la violence ? Le parent ne doit ainsi la légitimité de sa place et son autorité que par son ascendant physique. L’enfant doit notamment comprendre qu’il ne doit pas frapper s’il est en colère. Les parents doivent en être le modèle.

L’Organisation mondiale de la Santé, dans son Rapport sur la violence et la santé publié en 2002 établit un rapport entre les violences subies dans l’enfance et de risques d’être sujets à de nombreuses pathologies physiques et mentales : agressivité, très nombreux risques physiques, problèmes de santé génésique, alcoolisme, toxicomanie, déficience intellectuelle, délinquance, dépression, angoisse, retard de développement, hyperactivité, difficultés sociales, échec scolaire, manque d’estime de soi…

Ce n’est pas pédagogique ni une bonne façon d’être autoritaire

Face à leurs enfants, les parents sont bien souvent prisonniers de leur vécu personnel : parce qu’ils l’ont eux-mêmes subie, la violence éducative ordinaire semble justifiée et efficace, la reproduisant de génération en génération. Ils ont de plus en plus de mal à se positionner et à communiquer. Les punitions corporelles donnent à l’enfant le sentiment que la violence est indissociable de l’énervement et de la colère.

Pourtant l’utilisation de la violence ne fait qu’augmenter la résistance de l’enfant à la punition et à la douleur considérée comme éducative. Cela n’explique pas à l’enfant la véritable raison du mécontentement et ne l’aide pas à ne plus recommencer ses erreurs, ni à les réparer. L’autorité parentale doit reposer sur un sentiment de justice et non de peur.

Le cerveau de l’enfant est fragile, malléable et immature jusqu’à l’adolescence. Les neurosciences montrent que les punitions corporelles n’ont pas d’effet positif dans sa construction et ont des conséquences négatives dans la formation du cortex orbitofrontal jouant un rôle primordial dans la prise de décision et pour les capacités d’empathie.