Hauts-de-Seine : à l’hôtel, des enfants placés abandonnés à leur sort

Le nouveau reportage de Sylvain Louvet « Enfants placés : que fait la République ? » dénonce la situation catastrophique de ces jeunes adolescents, livrés à eux-mêmes dans des hôtels et privés de toute prise en charge éducative.

En 2019, le premier volet de cette enquête menée par le journaliste Sylvain Louvet, Enfants placés les sacrifiés de la République (Pièces à Conviction, France 3) faisait état des lieux d’une violence omniprésente dans les foyers de l’Aide Sociale à l’Enfance. Lauréat du Prix Média 2020 Enfance Majuscule dans la catégorie documentaire tourné en France, la diffusion de ce reportage avait accéléré la mise en place d’un secrétariat d’État à la protection de l’enfance, en la personne d’Adrien Taquet.

Un choix politique

Le département des Hauts-de-Seine est l’un des départements les plus riches de France, avec 50 millions d’excédent budgétaire. Pourtant, on lui attribue un nombre incalculable de manquements et un sentiment de toute puissance, qui ne respecte pas même les préconisations des Juges du Tribunal de Nanterre.

Pour faire des économies, le département a choisi de favoriser le placement hôtelier, moins coûteux, la chambre d’hôtel à 75€ contre 150€ en foyer d’accueil. Avec des indemnités de 80€ par mois + 10€ par jour pour se nourrir, ces jeunes placés survivent, tout au plus.

On peut compter jusqu’à 30 ans enfants placés dans un même hôtel, aux chambres insalubres et sans surveillance adulte. Ce phénomène d’abandon relativement récent prend de l’ampleur, face à un gouvernement qui n’ajuste pas ses moyens. Aujourd’hui, on recense 600 enfants dans les Hauts-de-Seine et entre 7500 et 10000 enfants partout en France.

Des jeunes livrés à eux-mêmes

Avec un suivi éducatif quasi inexistant, ces jeunes adolescents vivent dans des chambres d’hôtels à l’hygiène douteuse et à plusieurs dans des chambres minuscules. Ils y résident parfois pendant plusieurs années, et nombreux d’entre eux sont des mineurs non accompagnés. Suite à la réorganisation du pôle Solidarités en 2019, des travailleuses sociales dénoncent les nouvelles normes imposées : « si on les a une fois par semaine au téléphone, c’est déjà énorme » disent-elles.

Une situation pour ces mineurs qui se dégrade de plus en plus ; « ça se savait, et ça s’est passé quand même » déplore un Juge des enfants, « ce qui se prépare dans les Hauts-de-Seine est une catastrophe sanitaire et sociale ». La mort de ce jeune de 17 ans, Jess, poignardé dans une chambre d’hôtel sans aucun membre de l’Aide Sociale à l’Enfance présent au moment des faits, le prouve une fois encore. Les hôteliers sont également libres, s’ils le souhaitent, de mettre à la porte ces jeunes pensionnaires. C’est le sort qu’a subi Guevina, ayant assisté à la mort de Jess et accepté de témoigner face caméra, contre l’avis de l’hôtelier.

Symbole d’un dysfonctionnement institutionnel, ce drame n’est malheureusement pas isolé. Enfance Majuscule ne cesse de déplorer les multiples et de plus en graves dysfonctionnements de l’ASE face à la détresse des enfants placés, et les choix politiques de certains départements.

(Re)voir le reportage : Pièces à conviction – Enfants placés : que fait la République ? une enquête réalisée par Sylvain Louvet diffusée le 27/01/2021 sur France 3