L’excision des filles existait bien avant l’lslam, dans diverses régions d’Afrique, en Égypte, dans la Vallée du Nil et au bord de la Mer Rouge. L’infibulation était pratiquée sous l’Empire romain, et viendrait des peuples de la Mer Rouge. La raison invoquée pour en perpétuer la pratique est la pureté, la virginité ou la santé.
Quelles sont les causes de l’excision ?
Dans la Corne de l’Afrique elle permet la protection de la virginité de la fille : à Djibouti, par exemple, les filles, chargées de garder les troupeaux, étaient ainsi protégées des agressions sexuelles de rôdeurs ou de tribus hostiles. Paradoxalement, elles auraient donc été plus indépendantes et libres de leurs mouvements en étant infibulées.
L’excision est également justifiée par des raisons d’hygiène et de santé, dans une dialectique de pur et d’impur. La pureté, synonyme d’ordre et de culture, s’oppose à l’impureté, synonyme de chaos naturel. Le maintien de la pureté, par la chasteté, ordonne la suppression du clitoris, cet organe laid, inutile, voire nuisible et dangereux (il peut blesser le sexe de l’homme lors du coït, et tuer l’enfant lors de la naissance), source de pollution physique et morale, et donc de désordre (luxure et maladie). Une femme non excisée est « sale » et aucun homme n’en voudra. Desmond Morris, en 1985, avait fait le compte de tous les pseudo-avantages avancés pour justifier les mutilations sexuelles : un des plus anciens est que la circoncision du garçon lui garantit l’immortalité.
La clitoredectomie fit son apparition en France et en Europe au 17ème siècle… pour guérir certaines formes d’insomnie. Elle fut utilisée aux États-Unis jusqu’en 1925, pour les mêmes raisons auxquelles s’ajoutaient des motifs « d’hygiène ». Il se trouva même un médecin du Texas qui pratiquait l’excision pour guérir la frigidité !
La pratique de l’excision : du rituel à la médicalisation ?
L’excision est pratiquée à tout âge, du bébé de quelques jours à l’âge adulte avec deux pics de fréquence, entre 2 et 4 ans et entre 7 et 12 ans.
Dans les milieux animistes, ces excisions sont ritualisées et s’inscrivent dans un schéma initiatique. Ces rites de passages élaborés, collectifs, comportant des festivités, obéissent à un calendrier rigoureux et sont généralement exécutés juste avant la puberté. En milieu musulman, elles ont plutôt un caractère individuel et privé, sans calendrier particulier. Avec la dégradation des schémas initiatiques sous l’influence de l’acculturation, la pratique des sociétés animistes tend à se rapprocher de celle des sociétés musulmanes.
Les mutilations sexuelles des femmes sont dangereuses pour la santé. Alors, la solution serait peut-être de les médicaliser. Il suffirait d’opérer sous anesthésie, dans de bonnes conditions d’hygiène et d’asepsie, en milieu hospitalier. Dans les pays d’infibulation (Somalie, Éthiopie), on considère que l’excision médicalisée est un moindre mal. C’est bien la preuve que tout rôle initiatique a disparu. Cette caution médicale a certes quelques avantages immédiats concernant la santé de l’enfant. Mais elle a l’inconvénient majeur d’entériner le principe même des mutilations. L’accepter, ce serait oublier que mutiler sciemment une enfant ou une femme, même proprement, c’est nier le droit fondamental de l’être humain à l’intégrité de sa personne. C’est décider pour elle qu’elle ne connaîtra jamais aucune jouissance et que son sexe ne servira qu’au seul désir de l’homme.
L’excision : plus qu’un rituel initiatique, un marquage au corps
L’excision se pratique plus en plus tôt, parfois sur des bébés de 15 jours, qui « résistent » moins, et l’aspect initiatique disparaît. L’opération, détachée de son contexte rituel, peut même être réalisée en milieu médical, tendance de plus en plus marquée dans les classes sociales supérieures urbaines. Dépourvue du rituel de passage à l’âge adulte, l’excision reste aujourd’hui un marquage du corps de la femme, qui le désigne comme féminin, donc destiné à faire des enfants. L’excision indique sa place à la femme dans la société, l’autorise à avoir un mari donc des enfants. En fait, l’excision et l’infibulation n’ont rien à voir avec la religion : elles sont plutôt l’apanage des sociétés patriarcales, souvent polygames, et permettent aux hommes de contrôler la sexualité féminine. En réduisant ou en supprimant le plaisir sexuel, elles préservent la pureté et la sexualité féminine n’est plus orientée que vers la procréation. Une femme « coupée » ne risque pas de tromper son mari, même absent. L’infibulation contribue en outre, par le rétrécissement de l’orifice vaginal, au renforcement du plaisir masculin, et ce « bienfait » est toujours invoqué dans les sociétés de l’est-africain.