Journée “Babylab” : croiser les regards entre chercheurs et professionnels de terrain pour mieux penser l’avenir des bébés, ces nouveaux chercheurs-nés

L’Institut Contemporain de l’Enfance organisait, le mercredi 13 novembre à Paris, sa première journée “BabyLab”. Au sein de la Maison des Associations de Solidarité, professionnels de terrain et chercheurs s’étaient donné rendez-vous autour de cette thématique, afin de mettre en avant les savoirs des tout-petits et de promouvoir la mise en place de bonnes pratiques, nécessaires à leur développement.

Le “BabyLab”, ou “laboratoire enfant”, est avant tout un lieu de recherches autour du développement des bébés et jeunes enfants. Cette journée avait pour principal objectif de démystifier la recherche, et faire en sorte que professionnels de terrain et chercheurs puissent vérifier leur capacité à mettre en commun leurs objectifs. En préparation de cette journée, un espace participatif avait été mis en place, afin de mieux comprendre et analyser, au cours de cette journée, les comportements questionnant les professionnels, et pouvant donner lieu à des réflexions pédagogiques ou cliniques.

Les intervenantes Bahia Guellaï – professeure en psychologie du développement et membre du Babylab à l’Université Toulouse Jean Jaurès – Maya Gratier – professeure en psychologie du développement et directrice du Babylab à l’Université Paris Nanterre – et Erika Parlato – Docteure en sciences cognitives et psycholinguistiques, psychanalyste et directrice du Babylab Cerep – ont chacune démontré, à travers leurs différents champs de recherches, les capacités extrêmement précoces de ces petits êtres, tout juste nés.

Cette journée, d’une grande richesse, a permis d’aborder la recherche non pas comme un luxe, mais comme moyen de faire émerger ensemble de nouvelles connaissances. Car, grâce à celles-ci, en unissant clinique et recherche, la protection de la petite enfance peut avoir une chance d’évoluer. Il est nécessaire de garder en mémoire que les théories des chercheurs finissent bien souvent par avoir un impact sur nos pratiques, même si les résultats ne sont pas toujours immédiats, et accepter de travailler pour les bébés des générations futures…

Dès la naissance, des capacités hors pair

Le signal de parole déjà perçu in utero, les habiletés sociales (la reconnaissance des visages, l’imitation comme moyen de communication), l’éveil des cinq sens, l’association des vocalisations au mouvement des lèvres… dès la naissance, les bébés sont déjà dotés de capacités, au-delà de ce que les adultes peuvent souvent bien soupçonner. Ils perçoivent l’ensemble du visage de l’adulte comme un tout cohérent, et mêmes les différences culturelles sont déjà perçues chez les nouveaux-nés. “Nous savons aujourd’hui que le bébé est bien plus capable que sa motricité ne le laisse paraître” souligne Erika Parlato, également auteure de l’ouvrage Le bébé et ses savoirs. “Son langage lui permet non seulement l’interprétation, mais aussi l’expression complexe de ses besoins, intérêts et désirs”.

Le bébé connaît l’art de la conversation, avant même de savoir parler, et ce d’autant plus s’il a face à lui un adulte qui entre en interaction avec lui. Et les adultes sont des pédagogues d’une musicalité intuitive : la voix est un instrument de musique que le bébé, dès la naissance, écoute avec beaucoup d’attention. Le pouvoir musical de la voix est très fort chez lui, et la limite entre son et musicalité très mince (quand on le porte, ou qu’on respire…). Entre 4 et 6 mois, il y a un gigantesque jeu vocal exploratoire qui se joue dans le cerveau. Extrêmement créatifs, les bébés vont alors explorer tout leur terrain interne. Ils sont déjà des musiciens-nés, capables d’improvisation, et cette musicalité se détecte notamment chez les bébés sourds, qui profitent alors de ces transmodalités.

Se connecter au cerveau des bébés : un enjeu universel

Les recherches en Babylab ont pour rôle d’être à l’écoute de chaque bébé. L’enfant est constamment en train d’interpréter le monde qui l’entoure, et c’est aux adultes d’apprendre à parler “bébé” à leur tour pour se mettre à sa place. “Dans un monde préoccupant tel que le nôtre, il est nécessaire d’accompagner correctement les professionnels de la petite enfance, pour mieux prendre soin des bébés”, rappelle le professeur Bernard Golse. “Ces métiers, encore mal valorisés, sont pourtant essentiels car ils laissent une trace durable dans la vie des enfants, et nous n’arrivons pas à faire avancer ces professions”.

Il n’est pas toujours évident d’arriver à mettre en œuvre les savoirs. Nous sommes face à de nombreuses résistances culturelles, financières et administratives, qu’il faut pouvoir analyser et comprendre. Car il n’est pas sûr que même avec tout l’argent du monde, toutes les recherches soient belles et bien appliquées. Il y a une véritable réticence en nous toutes et en nous tous, une ambivalence envers l’enfance, même lorsque l’on a choisi de s’engager dans ces professions-là.

On oppose souvent clinique et recherche, mais un bon clinicien doit avoir une attitude de chercheur. Le bébé en est un également, car il est en état de vigilance alerte. Pour comprendre sa pensée, il faut apprendre à observer, à prendre le temps. Chez les chercheurs en Babylab, il y a un réel travail sur le rapport au temps mis à mal dans notre société, chez les professionnels mais aussi chez les parents. D’où la nécessité de prendre le temps, faire des pauses. Aborder les choses avec un autre rythme… et ce pour l’avenir de tous les bébés, ces nouveaux chercheurs-nés.