Le conseil scientifique et stratégique de l’Institut Contemporain de l’Enfance organisait dans ses locaux, le lundi 4 novembre à Paris, un temps d’échanges et de réflexions autour des transidentités et des questionnements de genre. La question de la transition est une préoccupation des cliniciens, qui doivent faire face à une demande de transition des mineurs, de plus en plus forte et de plus en plus présente.
Les intervenants Antoine Périer – psychanalyste, psychothérapeute et Professeur à la Maison de Solenn, Hôpital Cochin – Kevin Hiridjee – psychologue clinicien, psychanalyste et directeur de la revue Carnet Psy – et Élodie Loesch – sexothérapeute – ont tenté par leurs diverses prises de parole de nous éclairer, sur un phénomène de société qui questionne au regard de la construction de la bisexualité psychique, mise en lumière par la psychanalyse.
Un sexe est attribué à l’enfant à la naissance, et parfois le fait de ressentir une attirance non-hétérosexuelle peut induire une interrogation sur son propre genre, comme une possibilité de se re-conformer à la norme hétéro. Avant la puberté, et avec l’accord des parents, il est possible de procéder à un changement de nom, et de prendre des bloqueurs de puberté en médicament “booster”. Seule la mastectomie est autorisée avant la majorité. Cette démarche est à accompagner par des professionnels de la santé très bien formés, car il est encore souvent compliqué de savoir “d’où parle” cette demande.
Le clivage est important chez les professionnels. En travaillant avec les patients, ils sont amenés à réfléchir sur leur position personnelle. Une nouvelle forme de souffrance est apparue, face à des angoisses que partagent tous les adolescents. Il n’y a pas de pathologie propre à la transidentité mais la souffrance identitaire, l’inconfort et le ressenti vont pousser certains à rechercher de l’aide. Les demandes ont doublé en quelques années, avec une prédominance de changements de la part des femmes souhaitant devenir homme.
Il y a une rébellion contre les diktats des normes sociales, et les questionnements sur le genre prennent de plus en plus d’ampleur. Est-ce que ce choix est transitoire ? En quoi l’entourage est-il important ? Est-ce une rébellion ? Est-ce que la réponse est juste ?
La puberté et l’adolescence sont déjà une transition à part entière, mais dans le cas de la transition de genre, l’angoisse se fixe sur quelque chose de précis. Il est possible de différer les décisions, mais pour les cliniciens, la priorité est de garder en mémoire que le savoir est du côté du patient.
En tant que thérapeute auprès des adolescents, le psychanalyste Antoine Périer souhaite parler du développement, processus adolescent marqué par les paradoxes : le corps se transforme, le jeune n’y peut rien et la sexualité explose. Il est donc confronté à une impuissance, et pour celui qui ne se reconnait pas dans le genre qui lui a été assigné, c’est une grande souffrance. Plus l’adolescent est narcissiquement fragile, plus il aura du mal à s’appuyer sur ses ressources propres. La diffusion progressive des études sur le genre mène souvent à une désunion entre le sexe et le genre.
Il y a un changement à imaginer dans le schéma éducatif qui consistait à amener le sujet vers l’autonomie, lui donnant le sentiment de toute puissance, l’obligation de choisir devenant un principe intangible : l’adolescent devant donc décider de tout, et de son genre y compris. L’adolescence est un moment de révolte, et la question identitaire peut en faire partie. L’accompagnement en psychothérapie est non spécifique, mais n’ignore pas les interrogations sur le genre. Il faut aider l’adolescent à sursoir pour se donner du temps, condition sine qua non de sa construction. Le travail avec les parents est très important, donc la question du temps est primordiale.
Les psychothérapies sont celles d’adolescents : comment doivent-elles être articulées avec les différents traitements proposés (hormonothérapie, anti-dépresseur, etc) ? Comment faire pour faire face à l’anxiété provoquée par l’arrivée du nouveau monde très incertain, et l’obligation antinomique de proclamer des certitudes ? La souffrance est certaine dans la demande de transition de genre, mais il est parfois difficile de savoir véritablement à quoi la rattacher.
Pour aller plus loin sur le sujet, l’ouvrage Transitions de genre présente une diversité de points de vue argumentés par des cliniciens, qui reçoivent des patients préoccupés par des questionnements de genre. Paru aux éditions Érès, il a été dirigé par le professeur Bernard Golse, président de l’Institut Contemporain de l’Enfance, et Kevin Hiridjee, l’un des trois intervenants de cette rencontre.