La Révolte des enfants des Vermiraux

Livre élaboré à partir d’une recherche pour une thèse, il présente les récits et témoignages de l’époque. En 1882 dans l’Yonne, aux Vermiraux nait l’Institut pour le redressement intellectuel des anormaux, nerveux, arriérés et rachitiques. Deux lieux distincts, un pour les garçons et un pour les filles. Le projet tel que présenté en 1905 est presque idyllique. Très vite les conditions de dégradent, et les violences subies sont telles que les enfants se révoltent.  La presse nationale révèle les faits, un procès a lieu, les responsables sont condamnés en 1911.

Un projet ambitieux

« Des enfants rendus à la santé mis à même de gagner honnêtement leur vie, permet en étant fier du passé de tout espérer de l’avenir. » Une inauguration prestigieuse en 1905.

« Tout est prévu pour que les élèves profitent des bienfaits d’une cure d’altitude, d’une cure sylvestre, d’une cure d’air extra-pur, combinées avec les bienfaits d’une instruction médico-pédagogique bien compris. » Tout est pensé, habillement, nourriture, literie, travail, récréations et même un pécule. Des conditions presque idylliques.

Prémisses du désastre

Suicide suite à des maltraitances sexuelles. 1909 mise en cause du gardien Laresche pour actes de pédophilie : mais non-lieu, alors que les faits à sa charge sont largement prouvés. Nourriture immonde, enfants mal ou pas soignés. Privations répétées. Enfants vêtus de loques, literie pourrie qui entraîne des plaies. « Ils étaient une dizaine, muets, rampants, sales, décharnés, à moitié vêtus. » « Locaux malsains, murs ruisselants d’eau, pas de médicaments… » Les pensionnaires cherchent à s’évader, car ils préfèrent encore la prison ! Entre 1908 et 1910 s’accumulent des faits de surviolence : 8 récits d’enfants conduits à mourir à cause des conditions qui leur sont faites.

L’enrichissement

Un chapitre décrit comment Landrin et les propriétaires des Vermiraux se sont enrichis : « Ils touchaient des deux mains », de l’administration mais aussi en faisant travailler les jeunes dans les fermes, ou en les prenant comme gardiens, sans les déclarer.

La Révolte et le procès

En juillet 1910 durant une semaine, les jeunes provoquent de nombreux dégâts matériels mais le procureur, M. Grébault, redirige son enquête envers les propriétaires. Si un journal comme Le Matin reprend les récits des enfants,, La Bourgogne prend fait et cause pour les propriétaires. Le récit du procès est fait au travers de la Presse et des dépositions des uns et des autres. Les mis en cause ne cessent de s’écrier : «  C’est faux ! Nous sommes des victimes. » Grâce au juge d’instruction M.Guidon et au procureur des condamnations à de la prison ferme sont prononcées.. Gabriel Latouche dans l’Eclair met en évidence au-delà de toutes les maltraitances subies, les détournements financiers effectués par Landrin, environ 150 0000 francs

L’économie des secrets

Après avoir livré les témoignages et les points de vue, suit une analyse qui resitue l’affaire dans son époque : « elle dépassait la norme de son temps » et pointe le rôle fondamental des intérêts financiers en jeu. La postface resitue l’affaire des Vermiraux par rapport aux autres de l’époque dont Belle Ile et  évoque le rôle d’Alexis Danan, fondateur d’Enfance Majuscule. « Les mêmes causes produisent les mêmes effets : de la main d’œuvre bon marché, des possibilités de détournements de fonds sans risque,…des victimes sans défense livrées à toutes sortes de perversion » Et l’histoire se répète ici et ailleurs de nos jours, Hélas !

En 2018, ce travail d’Emmanuelle Jouet, publié par L’œil d’or, mémoires et miroirs, a donné lieu à un téléfilm : La Révolte des innocents. C’est avec stupeur que j’ai découvert cette affaire ! Je connaissais la Révolte de Belle Ile, immortalisée par Prévert dans la Chasse à l’enfant (1934), les publications d’Alexis Danan qui ont permis la fermeture des colonies pénitentiaires dans la France de l’après-guerre. Il y avait eu un avant et hélas, chaque jour, nous pouvons constater que des institutions qui doivent soigner, préserver, deviennent maltraitantes, parfois, voire souvent, pour des raisons économiques.