L’excision face à la loi

Aujourd’hui, autour de 200 millions de femmes et de fillettes seraient excisées ou infibulées dans le monde. Pourtant, il existe des Conventions internationales qui devraient permettre de l’empêcher.

 

La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme est précise : « Nul ne sera soumis ni à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. »

Le Code International de Déontologie Médicale, élaboré en 1979, empêche « tout acte médical portant atteinte aux droits de la personne humaine et à son intégrité corporelle et mentale » Aucun médecin ne devrait donc pouvoir se prêter à cet acte mutilant.

La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, entrée en vigueur le 13 janvier l984, stipule dans son article 12 que « Les États parties prennent toutes les mesures appropriées, y compris les dispositions législatives, pour modifier ou abroger toute loi, toute disposition réglementaire, coutume ou pratique qui constitue une discrimination à l’égard des femmes ». Cette convention a été ratifiée par la France et par certains pays africains : Bénin, Burkina Faso, Égypte, Éthiopie, Gambie, Ghana, Guinée, Kenya, Liberia, Mali, Nigeria, République Centre Africaine, Tanzanie…

La Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, entrée en vigueur le 21 octobre 1986, dispose dans son article 4 que « La personne humaine est inviolable, Tout être humain a droit au respect de sa vie et à l’intégrité physique et morale de sa personne. Nul ne peut être privé arbitrairement de ce droit ». La quasi-totalité des pays africains ont ratifié cette convention.

La Convention internationale des droits de l’enfant, entrée en vigueur le 2 septembre 1990, est un traité, c’est-à-dire ce qu’il y a de plus élevé dans la hiérarchie du droit international. Elle oblige les Etats ayant ratifié à adapter leur législation interne. Ils s’engagent en effet à respecter les obligations précisément fixées par le texte et à accepter les modalités de contrôle assorties. L’article 24 de la Convention, concernant la santé de l’enfant et les services médicaux, précise le droit de l ‘enfant de jouir de la meilleure santé possible, de bénéficier de services médicaux et de réadaptation, avec un accent particulier mis sur les soins de santé primaires et préventifs. Tous les moyens doivent être pris pour informer la population, diminuer le taux de mortalité infantile. L’état est dans l’obligation de favoriser l’abolition des pratiques traditionnelles préjudiciables pour la santé de l’enfant.

Une convention à la terminologie imprécise. En dépit de protestations de nombreux mouvements de Droits de l’Homme, le mot « excision » n’y figure pas. La formule « pratiques traditionnelles » est censée recouvrir l’excision ainsi que toutes les autres formes de mutilations : scarifications, circoncision, déformations (femmes-girafes), etc. La Convention se limite aux pratiques « préjudiciables à la santé des enfants ». Or, des raisons de santé et d’hygiène peuvent être invoquées pour justifier certaines de ces pratiques. D’autre part, l’article 31 de la même convention stipule que tout enfant a droit à une éducation dans le maintien de sa culture et de ses traditions. On peut donc s’attendre à des conflits d’interprétation, et à des difficultés pour utiliser la Convention dans la lutte contre l’excision. De nombreux pays africains, où se pratique l’excision au sein de plusieurs ethnies, ont signé et ratifié la Convention des Droits de l’Enfant : Bénin, Burkina Faso, Burundi, Côte d’Ivoire, Djibouti, Égypte, Éthiopie, Gambie, Ghana. Guinée, Kenya, Mali, Sénégal, Togo, Zaïre, entre autres. Différents pays africains avaient légiféré contre ces pratiques : une loi soudanaise interdit l’infibulation depuis 1956. Depuis 1978, le ministère égyptien de la santé interdit l’excision, Le Kenya a déclaré, en 1982, l’excision passible de la peine de mort. Mais ces législations ne sont pas ou peu appliquées dans la pratique.

La loi française. Les statistiques sont difficiles à établir mais on estime qu’environ 60.000 femmes et fillettes seraient aujourd’hui concernées sur le sol français. La loi condamne et sanctionne sévèrement les personnes responsables de sévices infligés aux enfants. Les autours de ces sévices sont passibles de la Cour d’Assises lorsque ces blessures ont entraîné une mutilation irréparable, la perte d’un organe, ou la mort. Il s’agit alors d’un crime. Dans le cas de l’excision, les parents sont jugés comme complices lorsque ce ne sont pas eux qui ont pratiqué l’acte. L’exciseuse est jugée comme auteure principale du crime puisque c’est elle qui a agi physiquement.