La Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles Faites aux Enfants (CIIVISE) restituait à la Maison de la Radio ce lundi 20 novembre, journée internationale des droits de l’enfant, l’ensemble de 3 années d’engagement. L’analyse pointue de près de 30 000 témoignages, donnant naissance à la publication de 82 préconisations, est au cœur de ce rapport faisant l’état des lieux d’un mouvement social historique sans précédent.
82 préconisations nourries par le témoignage de milliers de victimes
Les différents intervenants (professionnels de santé, de la justice, du milieu associatif et victimes) ont mis l’accent, chacun leur tour, sur certaines des préconisations soutenues par la CIIVISE. Jean-Marc Sauvé, Président de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE) et Vice-président honoraire du Conseil d’État, a souhaité “rendre hommage à toutes les personnes qui, dès les années 90, ont fissuré ce silence”. Parmi les intervenants, Eva Thomas, brisait le tabou de l’inceste en 1986 dans l’émission “Les Dossiers de l’écran” sur Antenne 2. La CIIVISE devient, pour la première fois en France, un lieu de recueil de témoignages, un endroit où les victimes ont enfin pu entendre ce qu’elles attendaient depuis toujours, une promesse historique : “on vous croit, et vous ne serez plus jamais seul·e·s“.
Les 82 préconisations sont déclinées en 4 axes dans le rapport, dont les préconisations-clés ont pu être exposées autour des diverses tables rondes :
Le repérage des enfants victimes
– Organiser le repérage par le questionnement systématique des violences sexuelles
– Généraliser le repérage des violences sexuelles dans les situations de vulnérabilité spécifiques
– Créer un RDV individuel annuel de dépistage et de prévention centré sur l’évaluation du bien-être de l’enfant
Le traitement judiciaire
– Déclarer imprescriptibles les viols et agressions sexuelles commis contre les enfants
– Créer une ordonnance de sûreté de l’enfant (OSE) permettant au juge des affaires familiales de statuer en urgence sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale en cas d’inceste vraisemblable
– Ajouter le cousin dans la définition des viols et agressions sexuelles qualifiés d’incestueux
La réparation incluant le soin
– Garantir des soins spécialisés du psychotraumatisme aux victimes de violences sexuelles dans l’enfance en mettant en œuvre le parcours de soin modélisé par la CIIVISE
– Garantir une réparation indemnitaire prenant réellement en compte la gravité du préjudice et les préjudices spécifiques
La prévention des violences sexuelles
– Renforcer le contrôle des antécédents avec le FIJAISV
– Maintenir la CIIVISE
Un nouveau plan de lutte gouvernemental
Lancé par la Première Ministre Elisabeth Borne à l’occasion du Comité interministériel à l’enfance s’étant réuni le 20 novembre, ce nouveau plan de lutte contre les violences faites aux enfants (2023-2027) devrait, dès la rentrée 2024, commencer à porter ses fruits. Parmi les 22 actions et 6 grands objectifs annoncés par la secrétaire d’État chargée de l’Enfance Charlotte Caubel, le lancement du plan de formation interministériel « violences sexuelles » en partenariat avec la CIIVISE se tiendra les 5, 6 et 7 décembre 2023.
Dans le dossier de presse du plan de lutte, il est inscrit :
“Certaines préconisations du rapport ont déjà été mises en œuvre :
— La réalisation d’une grande campagne nationale de lutte contre les violences sexuelles sur mineurs dans les médias ;
— La diffusion des outils de formation créés par la CIIVISE ;
— L’adoption, en seconde lecture, de la proposition de loi de la députée Isabelle Santiago visant à protéger les enfants victimes
et co-victimes de violences intrafamiliales, pour étendre les cas de suspension ou retrait de l’autorité parentale du parent violent ;
Le nouveau plan de lutte contre les violences reprend d’autres préconisations :
— Le déploiement des UAPED pour viser une UAPED par juridiction via un engagement sécurisé de l’Etat – à ce jour, déjà 145 UAPED déployées, 98 départements couverts et 22 millions d’euros financés en 2022 et 2023 ;
— La création d’une plateforme téléphonique de soutien pour les professionnels, opérationnelle courant janvier 2024 ;
— La réécriture des programmes d’éducation à la sexualité pour garantir l’effectivité des séances dans les établissements pour une mise en œuvre dès septembre 2024 ;
— Le renforcement de la formation des enquêteurs au recueil de la parole des enfants avec 2000 enquêteurs supplémentaires d’ici la fin du quinquennat – près de 3000 membres des forces déjà formés ;
— La mise en œuvre d’un plan de formation interministériel avec la formation d’une première vague de référents par la CIIVISE”
Parmi les nombreuses questions qui se sont posées, Nathalie Mathieu, coprésidente de la CIIVISE, a bien souligné celle-ci : “Quand les agresseurs vont-ils enfin pouvoir cesser de dormir tranquillement sur leurs deux oreilles ?”
Enfance Majuscule attend donc, avec impatience et beaucoup de réserves, les résultats concrets de ces nouveaux objectifs. Car le constat est pour l’instant toujours le même : à quand une vision globale de l’Enfance ? A quand un Ministère de l’Enfance ? Il faut des moyens car, quelles que soient les idées les plus intelligentes, sans moyens, les plans s’enchaîneront et l’Enfance ne s’écrira jamais en Majuscule…
Nous sommes allés dans le pays des ténèbres
Juge Édouard Durand
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